Emploi des ressortissants étrangers : on change les règles du jeu.

Le 16 juillet 2024, pas moins de huit décrets d’application relatifs à la loi immigration du 26 janvier 2024 sont publiés au Journal Officiel. Ils portent notamment sur le « contrat d’engagement au respect des principes de la République » que devra signer tout étranger pour obtenir un titre de séjour, sur les conditions de délivrance d’une autorisation de travail ou encore sur les expulsions et assignations à résidence.

Le décret rédigé le 9 juillet 2024 précise quant à lui les dispositions de la loi immigration sur les autorisations de travail et les sanctions applicables à l’employeur d’un travailleur étranger non autorisé à travailler. On entend par « Travailleur étranger » les ressortissants hors pays européens. D’ailleurs, une amende administrative est créée et vient remplacer les contributions spéciales et forfaitaires appliquées jusqu’à présent.

Dans un premier temps, le décret vient renforcer les conditions de délivrance des autorisations de travail. En effet, initialement, l’employeur qui souhaitait accorder une autorisation de travail à un de ses salariés étrangers ne devait pas avoir été condamné :

  • Pour des faits de travail illégal
  • Pour des infractions aux règles de santé et de sécurité au travail
  • Pour méconnaissance des règles relatives au détachement temporaire des salariés.

A partir du 1er septembre 2025, de nouvelles conditions plus strictes seront exigées. Il faudra que l’employeur n’ait pas fait l’objet de condamnations pénales ou de sanctions administratives pour les infractions suivantes :

  • Aide à l’entrée et au séjour irrégulier en France
  • Atteinte à la personne humaine
  • Faux et usage de faux

Aussi, l’autorisation de travail pourra être refusée lorsque le projet de recrutement sera « manifestement disproportionné » au regard de l’activité économique de l’employeur, du donneur d’ordre, de l’entreprise utilisatrice, ou de l’entreprise d’accueil.

Le renouvellement d’une autorisation de travail sera par ailleurs soumis à cette législation nouvelle.

L’apport majeur de ce décret est la mise en place d’une amende administrative. La loi immigration avait fixé un plafond de 20 750 euros par travailleur étranger pour ces employeurs ayant recours à des ressortissants étrangers non habilités à travailler.

Comme énoncé précédemment, cette amende vise à remplacer la contribution spéciale et la contribution forfaitaire versées autrefois à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). D’ailleurs, l’article 34 de la loi du 26 janvier 2024 vient préciser que désormais c’est le ministère de l’Intérieur qui est en charge de cette amende.

Les employeurs seront soumis à cette amende dans les cas suivants :

  • Emploi ou conservation d’un travailleur étranger non muni d’un titre de travail l’autorisant à exercer une activité salariée en France.
  • Emploi ou conservation à son service d’un travailleur étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autre que celle mentionnée sur son titre de travail.
  • Recours aux services d’un employeur d’un travailleur étranger non autorisé à travailler.

L’amende sera toutefois d’un montant de 8 300 euros lorsque l’employeur s’est acquitté des salaires et des indemnités dus au salarié étranger (salaire et accessoires, indemnité égale à 3 mois de salaire en cas de rupture de la relation de travail, frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays de départ du salarié le cas échéant).

Finalement, dans sa lettre, le décret précise que la réitération est caractérisée lorsque l’employeur fait l’objet d’une amende administrative moins de 5 ans après la première. Aussi, le tribunal administratif dans le ressort duquel l’infraction a été constatée est compétent pour statuer sur les litiges relatifs à cette amende.

Le décret du 9 juillet 2024 vient également élargir la solidarité financière aux donneurs d’ordres. Cela signifie que les donneurs d’ordre qui recourent aux services d’une entreprise qui emploient un travailleur étranger non autorisé à travailler peuvent désormais être tenus solidairement avec celui-ci au paiement :

  • Du salaire et des accessoires du travailleur étranger ;
  • Le cas échéant, des indemnités versées au titre de la rupture de la relation de travail ;
  • Des frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel le travailleur étranger est parti volontairement ou a été reconduit ;
  • De l’amende pénale pour emploi ou conservation d’un travailleur étranger non autorisé à travailler.

La répartition des charges solidairement dues se fait en fonction de l’étendue de leur relation professionnelle autrement dit cela dépend entre autres des valeurs des travaux réalisés, des services fournis, de la rémunération en vigueur dans la profession.

Le ministère chargé de l’immigration, qui procède à la mise en œuvre de la solidarité financière, doit d’abord informer le donneur d’ordre concerné qu’il est susceptible de faire l’objet d’une mise en œuvre de la solidarité financière et qu’il peut présenter ses observations dans un délai de 15 jours.

Lorsque la solidarité financière est mise en œuvre, le ministère doit notifier au donneur d’ordre sa décision motivée et les sommes dues. Il se charge également de la liquidation et de l’émission du titre de perception correspondant aux sommes dues.

Le donneur d’ordre verse les sommes dues sur un compte ouvert par l’Office français de l’immigration et de l’intégration au nom du travailleur étranger concerné. Ce paiement se fait dans un délai déterminé qui ne sera pas inférieur à 15 jours. Passé ce délai, le directeur général de l’OFII procède au recouvrement forcé des sommes dues.

Attention toutefois, ces normes sont applicables pour les faits constatés uniquement à partir du 17 juillet 2024, jour de l’entrée en vigueur du texte administratif.

Enfin, le décret s’attarde également sur le cas des employeurs saisonniers. Pour ces employés, le pétitionnaire (personne qui demandera une autorisation aux pouvoirs publics) doit désormais fournir la preuve que le travailleur disposera pendant son séjour d’un logement lui assurant des « conditions de vie décentes »