La responsabilité de l’entreprise utilisatrice en matière de sécurité des intérimaires

Le travail temporaire occupe une place essentielle dans de nombreux secteurs d’activité, permettant aux entreprises de répondre rapidement à des besoins de main-d’œuvre ponctuels ou spécifiques. Cependant, accueillir un salarié intérimaire ne doit jamais signifier de relâcher les exigences en matière de sécurité. Au contraire, la réglementation française impose à l’entreprise utilisatrice une responsabilité précise et renforcée en matière de santé et de sécurité des salariés intérimaires, au même titre que pour ses propres salariés permanents.

Lorsqu’un intérimaire cause un dommage à autrui, la responsabilité civile incombe en principe à l’entreprise utilisatrice, et non à l’agence d’intérim ni à l’intérimaire lui-même. Cette règle s’explique par le fait que, pendant sa mission, l’intérimaire travaille sous l’autorité, la direction et le contrôle de l’entreprise utilisatrice.

Fondements juridiques

La responsabilité de l’entreprise utilisatrice en matière de santé et de sécurité des intérimaires repose sur plusieurs textes fondamentaux du Code du travail. Quatre articles essentiels encadrent ces obligations :

  • Article L. 1251-21 du Code du travail
    Cet article précise que l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail des salariés intérimaires, notamment en matière de durée du travail, de sécurité, d’hygiène et de santé. Pendant toute la durée de la mission, elle est tenue de garantir un environnement de travail conforme aux règles en vigueur, au même titre que pour ses propres salariés. Lorsqu’un intérimaire cause un dommage à autrui, la responsabilité civile incombe en principe à l’entreprise utilisatrice, en raison du contrôle qu’elle exerce sur l’intérimaire pendant sa mission.
  • Article L. 4121-1 du Code du travail
    Il établit l’obligation générale de sécurité de tout employeur. Cela implique de mettre en œuvre des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, et d’adaptation des postes de travail afin de protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
  • Article L. 4141-2 du Code du travail
    Cet article impose à l’employeur d’assurer une formation pratique et appropriée en matière de sécurité à chaque salarié, y compris les intérimaires, dès leur arrivée dans l’entreprise ou lors d’un changement de poste ou de conditions de travail. Cette formation est indispensable pour permettre au salarié d’adopter les bons réflexes face aux risques identifiés.
  • Article L. 1251-22 du Code du travail
    Pour les postes présentant des risques particuliers, une visite médicale d’aptitude doit être réalisée préalablement à toute affectation, même si la mission est de courte durée.

Obligations spécifiques envers les intérimaires

L’entreprise utilisatrice a plusieurs obligations essentielles lors de l’accueil d’un intérimaire :

  • Information et formation : Avant toute prise de poste, l’intérimaire doit être informé des risques liés à son poste et formé aux consignes de sécurité spécifiques. Cela vaut particulièrement pour les postes présentant des risques particuliers.
  • Fourniture d’équipements de protection : L’entreprise doit mettre à disposition tous les équipements nécessaires à la sécurité (EPI) et s’assurer de leur bon usage.
  • Conditions de travail équivalentes : L’intérimaire doit bénéficier des mêmes conditions de sécurité et d’hygiène que les salariés permanents.
  • Surveillance et accompagnement : Veiller durant toute la mission à ce que les consignes soient comprises, appliquées, et adapter les processus en cas de difficulté ou d’incident.
  • Déclaration préalable à l’embauche (DPAE): Même si le salarié est embauché par l’entreprise de travail temporaire, la DPAE reste une étape essentielle du processus légal d’emploi. Elle conditionne l’ouverture des droits à la protection sociale de l’intérimaire.
  • Mise à jour du DUERP : L’entreprise utilisatrice doit intégrer les missions d’intérim dans son Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), en identifiant les dangers propres aux missions temporaires et en définissant les mesures préventives adaptées.
  • Plan de prévention ou coordination en cas de co-activité : Si l’intérimaire intervient sur un site où plusieurs entreprises opèrent simultanément (chantier, entrepôt logistique…), un plan de prévention ou un PPSPS (plan particulier de sécurité et de protection de la santé) doit être mis en œuvre. L’entreprise utilisatrice a l’obligation de s’assurer que ces dispositifs sont appliqués.

Responsabilité et conséquences en cas de manquement

En cas d’accident du travail impliquant un intérimaire, la responsabilité de l’entreprise utilisatrice peut être engagée à plusieurs niveaux :

  • Civile : L’entreprise sera présumée responsable des dommages subis par l’intérimaire lors de sa mission, en application de l’article 1242 du Code civil. Toutefois, la responsabilité directe de l’intérimaire peut être engagée en cas de faute lourde, de dol ou de faute légère habituelle.
  • Pénale : En cas de manquement grave aux obligations de sécurité, la responsabilité pénale de l’entreprise et de ses dirigeants peut être recherchée.
  • Faute inexcusable : Si l’intérimaire prouve que l’employeur avait (ou aurait dû avoir) conscience du danger et n’a pas pris les mesures nécessaires, la reconnaissance de la faute inexcusable alourdit considérablement les conséquences financières pour l’employeur.

Répartition des rôles entre entreprise utilisatrice et entreprise de travail temporaire

 

Obligations Entreprise utilisatrice Entreprise de travail temporaire
Conditions de travail et sécurité Responsable pendant la mission Participe à la prévention et suit la santé
Fourniture d’équipements adéquats Oui (pendant la mission) Oui (en fonction du contrat)
Information et formation sécurité Oui, obligation renforcée Participe à la validation de l’aptitude
Rémunération Non Obligatoire (le salarié reste son employé)
Responsabilité en cas de dommage à autrui Responsable civilement (autorité de fait) Responsable uniquement dans des cas spécifiques (accident du travail, faute inexcusable)

 

Conclusion

Accueillir un intérimaire, c’est s’engager à respecter un cadre juridique strict en matière de santé et de sécurité, sans distinction avec les salariés permanents. L’entreprise utilisatrice est responsable de la prévention des risques, de la formation, de l’équipement et du suivi tout au long de la mission. Elle doit mettre à jour son Document Unique d’Évaluation des Risques (DUERP), organiser un accueil sécurité, et veiller à l’application stricte des consignes.

L’agence de travail temporaire, de son côté, doit s’assurer de l’aptitude médicale du salarié, l’informer sur les risques généraux, et collaborer étroitement avec l’entreprise utilisatrice. Ensemble, ces deux acteurs doivent faire de la sécurité une priorité partagée, garante du succès et de la conformité de chaque mission.