L’arrêté du 28 juin 2024 vise à encadrer l’accès à l’intérim dans le secteur médical, en particulier pour les jeunes diplômés. Il fait suite à un décret d’application en date du 24 juin 2024. Ces récents actes administratifs impliquent deux choses, dans un premier temps, ils limitent l’exercice en intérim des personnels paramédicaux en leur imposant deux ans d’exercice au minimum avant de pouvoir exercer en intérim, et vient responsabiliser d’avantage les ETT en leur confiant la vérification du respect de cette durée minimale légale.
Loin d’être une nouvelle norme, il s’agit en réalité du retour de la loi Valletoux (« loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territoriales des professionnels ») datant du 27 décembre 2023. Loin d’avoir fait l’unanimité auprès des entreprises de travail temporaire (ETT) à cette époque, la mesure devait initialement être applicable au 1er avril 2024. Il n’en fut rien. Le Gouvernement revient avec un décret d’application (24 juin 2024) de l’article 29 de ladite loi, qui a force obligatoire depuis le 1er juillet 2024. L’arrêté du 28 juin 2024 vise à compléter ce décret d’application. D’ailleurs, et l’arrêté l’énonce dans sa lettre, le Ministère précise qu’il s’agit là de mesures transitoires, autrement dit les mesures actuelles pourraient être amenées à évoluer au-delà du 31 décembre 2024, nous reviendrons sur ce point un peu plus tard.
Il est important de comprendre dans un premier temps que tout le personnel médical français n’est pas limité par ces textes. En effet, il s’adresse surtout au personnel paramédical (infirmiers, aide soignants, éducateurs spécialisés, assistants du service social…) et aux sages femmes.
Aussi, le décret du 24 juin 2024 instaure une durée minimale de 2 ans d’exercice préalable. Cette durée est calculée en équivalent temps plein et tient compte de l’ensemble des périodes au cours desquelles le professionnel a exercé la même profession ou fonction dans un autre cadre que celui d’un contrat de mission. La charge de la preuve revient à l’entreprise de travail temporaire (voir supra).
Cette norme est vivement critiquée, car même si l’objectif de cette loi est noble et vise à limiter les déserts médicaux en France, elle limite les nouveaux diplômés dans leur début de carrière. Toutefois, le personnel médical n’est pas le seul impacté par cette loi, les ETT en subissent également les conséquences.
En effet, l’arrêté du 28 juin 2024 vise également à responsabiliser les entreprises de travail temporaire. Elles sont désormais chargées de vérifier le respect de cette durée légale. Pour débuter un contrat de mission, les intérimaires médicaux devront fournir une attestation sur l’honneur et diverses pièces complémentaires.
L’attestation sur l’honneur devra être datée et signée et devra lister leurs périodes de travail (hors intérim) effectuées dans la profession.
L’attestation doit préciser :
- Le nom, le prénom, la date de naissance du professionnel
- La profession et la spécialité exercées
- Pour chaque période de travail hors interim :
- La nature de l’activité (libérale, salariée ou publique)
- Le nom de l’établissement ou de la structure employeur
- La nature du contrat
- Les dates de début et de fin de période
- La quotité de travail (si applicable)
- Pour les professions règlementées, une copie du diplôme ou de l’autorisation d’exercice est également requise.
Aussi, les ETT, après vérification, devront conserver ces pièces justificatives pour une durée de 5 ans. Elles devront également attester du respect de la durée légale auprès des entreprises utilisatrices (EU) au plus tard lors de la signature du contrat de mise à disposition. On comprend bien ici que la charge probatoire pèse sur l’entreprise de travail temporaire (ETT) et non sur l’intérimaire médical.
Prism’emploi dans sa dépêche relative à cet arrêté estime même qu’il s’agit d’un « fardeau administratif excessif » pour les agences d’intérim et que cela entrave leur activité. Il estime que le décret « porte une atteinte excessive et disproportionnée à l’activité des ETT ». Pour ce qui est de l’arrêté, le syndicat considère que c’est « une interdiction pure et simple des contrats de missions » en raison des dispositions déraisonnables de l’acte.
Se pose alors tout naturellement la question des sanctions. Les ETT pourraient-elles être sanctionnées si les attestations sur l’honneur se révélaient fausses ? Concernant cette obligation de vérification, les ETT sont-elles soumises à une obligation de moyen ou une obligation de résultat ? (Pour rappel, l’obligation de moyen définit la responsabilité de l’ETT par la mise en place des moyens nécessaires pour atteindre un but, sans pour autant que la réalisation de l’objectif soit atteinte. En revanche, l’obligation de résultat se concentre uniquement sur la réalisation du résultat, peu importe les moyens mis en place.)
Pour le moment, le texte est silencieux à ce sujet. Toutefois, cela ne signifie pas qu’aucune sanction ne verra le jour. En effet, nous avons vu précédemment que le texte est susceptible d’être modifié à partir du 31 décembre. La question des sanctions pourrait être révisée à ce moment-là. Aussi, Maitre Mathieu Da Silva, dans son article du 29 juin 2024 : « La durée minimale d’exercice des auxiliaires médicaux et sage-femmes pour réaliser des missions d’intérim à compter du 1er juillet 2024 » propose plusieurs types de sanctions qui pourraient voir le jour, notamment une concernant la responsabilité civile des ETT : « Enfin, on ne peut pas exclure qu’en cas d’accident médical dont serait à l’origine le professionnel mis à disposition, l’établissement ou encore la victime ou ses ayants droits engagent une action à l’encontre du professionnel ou de l’entreprise si la mise à disposition est intervenue dans des conditions irrégulières ».