Sur le site de Monoprix, on peut lire « Parce que la responsabilité sociale ne s’arrête pas aux frontières de l’entreprise, Monoprix mène depuis plus de 20 ans un programme d’éthique sociale visant en particulier à contrôler les conditions de travail dans les usines de ses fournisseurs »
Et si Monoprix commençait par se contrôler lui-même !
L’affaire portée devant les prud’hommes de Paris mettait en cause la délégation d’un jeune « staffeur », (appellation donnée par staffMe aux collaborateurs qu’elle met à disposition de ces clients) auprès de l’enseigne Monoprix. Le plaignant, engagé via StaffMe, a dénoncé des conditions de travail précaires, des salaires insuffisants et l’absence de droits sociaux élémentaires. Il avait été mis à disposition de Monoprix durant le COVID, puis jeter, sans autre forme de procès une fois la période délicate terminée.
Le 19 décembre dernier, le conseil de prud’hommes de Paris a requalifié en contrat de travail les missions réalisées par un auto-entrepreneur de la plate-forme StaffMe au sein de Monoprix. Les deux sociétés ont été déclarées co-employeurs et sont condamnées à lui verser des indemnités pour travail dissimulé et rupture de contrat abusive.
Cette condamnation de Monoprix et StaffMe souligne, une fois encore, la nécessité de réglementer les plateformes d’auto-entrepreneurs qui, sous couvert de flexibilité, opèrent souvent en marge de la législation du travail. Ces plateformes exploitent des travailleurs indépendants pour des missions temporaires, contournant ainsi les obligations liées à l’intérim, telles que la garantie de certaines protections sociales, le respect des durées légales du travail, et le paiement d’indemnités et de charges complémentaires propres à l’intérim.
En qualifiant l’activité de ces plateformes de mise en relation, d’activité d’agence d’intérim, le tribunal ouvre la porte à de nouvelles poursuites de prêts de main d’œuvre illicite envers les plateformes et leurs clients. En décembre 2023, dans la continuité de son jugement de janvier 2023, le tribunal des prud’hommes de Paris a rendu un verdict retentissant en condamnant Monoprix et StaffMe pour travail dissimulé, mettant en lumière le caractère illégal des plateformes d’auto-entrepreneurs. Cette décision judiciaire souligne la préoccupation croissante de la justice autour des pratiques douteuses de ces entreprises qui opèrent dans le domaine de l’intérim sans respecter les obligations et les charges inerrantes à cette activité.
Il est évident qu’il est beaucoup plus intéressant pour ces entreprises utilisatrices d’exploiter ainsi des auto-entrepreneurs, en s’exonérant des obligations sociales et salariales, elles économisent des sommes considérables. Mais il ne faut pas oublier que ces économies sont faites au détriment du salarié, bien entendu, mais également de la communauté tout entière. Les plateformes s’exonèrent de l’ensemble des charges, frais, engagements et avantages offerts par le travail temporaire à leurs intérimaires. Tout cela représente un coût important pour les agences d’intérim, mais cela permet aux intérimaires d’avoir une véritable couverture et un statut social. Les plateformes n’offrant rien de tout cela, elles peuvent vendre la prestation beaucoup moins chère.
Monoprix, comme tous les autres clients de ces plateformes, économise des sommes considérables au détriment des salariés et de notre pays. En effet, aucune charge, très peu d’impôts, ne sont versés, entrainant un important manque dans les caisses de l’état, de l’URSSAF et des organismes de prévoyance, de mutuelles et de formation. Une version 3.0 de l’égoïsme irresponsable. Le jugement des prud’hommes de Paris envoie un signal fort, rappelant que les pratiques abusives ne seront pas tolérées, même si elles sont déguisées sous le label de l’auto-entreprenariat.
L’intérim joue un rôle crucial dans le marché du travail, offrant flexibilité et opportunités aux travailleurs tout en permettant aux entreprises de répondre à des besoins ponctuels. Cependant, les obligations légales entourant le recours à des travailleurs intérimaires visent à assurer des conditions de travail décentes et à protéger les droits des employés. En condamnant Monoprix et StaffMe, les prud’hommes de Paris rappellent l’importance de respecter ces obligations. Les entreprises doivent être conscientes de leurs responsabilités envers leurs travailleurs, même lorsqu’elles externalisent leurs besoins en main-d’œuvre via des plateformes tierces.
La condamnation de Monoprix et StaffMe aux prud’hommes de Paris en décembre 2023 constitue un avertissement clair aux entreprises qui cherchent à contourner ces obligations liées à l’intérim en recourant à des plateformes d’auto-entrepreneurs. Ce jugement souligne la nécessité d’une réglementation plus stricte pour protéger les droits des travailleurs et garantir des conditions de travail justes, même dans l’ère de l’économie numérique. Il revient désormais aux autorités et aux législateurs de prendre des mesures pour encadrer ces pratiques et prévenir les abus dans le monde du travail.
Et si, pour Noël, les auto-entrepreneurs des différentes plateformes comme StaffMe, Studentpop, Brigad ou JobyPepper, s’offraient un joli pactole en demandant aux prud’hommes la requalification de leurs contrats en CDI dans les entreprises au sein desquelles ils sont, ou ont été, délégués… Le risque engendré par une telle envie est considérable pour les entreprises utilisatrices comme Monoprix. Un risque financier d’abord puisque le coût de la requalification des contrats d’auto-entrepreneurs en CDI en masse pourrait être particulièrement important. Mais c’est surtout l’image de marque de ces employeurs qui en pâtirait : aucune ne souhaite que le grand public apprenne qu’elles exploitent des auto-entrepreneurs pour économiser les charges, les cotisations, mais également tous les avantages sociaux et la couverture santé acquis de longue date en France. Certains pourraient interpréter cette pratique comme de l’esclavage moderne, ce qui pourrait faire désordre au sein d’entreprises qui dépensent des sommes astronomiques pour mettre en avant leur marque employeur et leur éthique.
Il convient de souligner que ce n’est pas un cas isolé impliquant StaffMe et les prud’hommes. Déjà en janvier 2023, un cas similaire avait émergé lorsqu’un travailleur indépendant, après avoir travaillé pendant plus de 20 mois avec une entreprise spécialisée dans la vente de glaces, avait sollicité une requalification de son contrat. Suite à cette demande, les prud’hommes avaient pris une décision significative, marquant un tournant pour les plateformes dédiées aux auto-entrepreneurs.
Et si les pouvoirs publics, enfin, agissaient… Car c’est aussi un grand mystère, quel lobby empêche l’URSSAF, l’inspection du travail et la DGFIP d’intervenir ?…